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| - [Source France 5]
La consommation d'alcool a tué 3,3 millions de personnes en 2012, selon un rapport alarmant publié lundi par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Maladies infectieuses, comme la tuberculose, cirrhose du foie, cancers, maladies cardiovasculaires, diabètes, troubles mentaux
Au total, plus de 200 maladies sont liées à la consommation d'alcool selon l'OMS. Les explications du docteur Philippe Batel, addictologue à l'hôpital Beaujon de Clichy.
L'alcool tue une personne toutes les 10 secondes dans le monde. C'est plus que le sida, la tuberculose et la violence réunis, a averti lundi l'ONU, qui craint une aggravation de la situation. Est-ce que l'alcoolisme est une maladie de pays riche ? "La consommation d'alcool est très liée historiquement au bassin méditerranéen" mais "l'on voit aussi qu'il y a une puissance économique majeure puisque quand un pays s'ouvre à un marché, bien évidemment il y a là aussi, une pression derrière pour que la consommation augmente". Et elle augmente un peu partout dans le monde.
Toutefois, il y a une exception qui est la France. Dans les années 1960, la consommation par habitant était deux fois plus importante qu'aujourd'hui
"Oui c'est vrai. Mais l'on peut regarder la bouteille à moitié vide et à moitié pleine quand même sur cette affaire parce qu'il y a une diminution séculaire de la consommation d'alcool depuis plus d'un siècle. Mais cette diminution vient de stagner parce qu'en 2011 l'on n'est pas certain que la consommation d'alcool ait diminué. Elle a peut-être été supérieure à celle de 2010, et c'est vraiment un fait tout à fait récent parce que la diminution est vraiment en train de perdre la pente".
À partir de quand parle-t-on d'abus d'alcool ? "Les recommandations que l'on peut avoir sur les dommages sur la santé, sur le fonctionnement de notre organisme, de l'alcool, c'est : pour un homme d'être à moins de 21 verres par semaine, donc trois verres par jour, et pour une femme moins de 14 verres par semaine, soit moins de deux en moyenne par jour. À la condition que celle-ci ne soit pas enceinte puisque là on recommande l'abstinence". Les choses dites ainsi cela semble simple, "mais en réalité il ne faut plus compter par jour, mais par semaine parce qu'il y a une modification de la consommation d'alcool qui a été majeure ces dernières années. Aujourd'hui, l'on a une consommation qui est très variable d'un jour à l'autre, et en particulier les Français consomment plutôt en fin de semaine comme le faisaient les Anglo-saxons. La question est qu'il y a deux risques. Il y a le risque cumulé de la quantité d'alcool que vous consommez, ce sont les repères 21 et 14 que l'on vient de donner et il y a le risque de la consommation aigüe et le risque de l'intoxication à l'alcool. Là, c'est plutôt des risques liés à la violence (...) Et là on a des repères : pas plus de 4 verres pour un homme, et pas plus de trois verres pour une femme en une seule occasion. Donc ces consommations de fin de semaine ont plutôt tendance à amener des dommages comme des chutes ou des bagarres".
Est-ce que l'on peut être alcoolique sans le savoir ? "La réponse est oui. Mais regardez dans vos verres et comptez-les. Il y a une vraie révolution mentale à faire c'est-à-dire que jusqu'à présent on est persuadé qu'il existe une maladie qui s'appelle l'alcoolisme, qui va toucher une petite proportion des buveurs et que ceux-là vont devenir dépendants. Je vais vous donner l'exemple d'une femme qui boit trois verres de vin par jour, elle va très bien, elle ne bat pas son mari, elle n'est pas ivre morte, elle n'est pas condamnée pour une conduite d'alcoolisation, elle supporte très bien ces trois verres, elle n'est pas dépendante, elle s'arrête quand elle veut. Toutefois, elle va multiplier par cinq son risque d'avoir un cancer du sein. Donc la mortalité attribuable à la consommation d'alcool, elle n'est pas liée forcément à des grandes quantités d'alcool, les seuils sont très bas en particulier pour les cancers".
Enfin avec le Bacoflène, sommes-nous à l'aube d'une révolution dans la lutte contre l'alcoolisme ? "Oui, même si je ne crois pas à la révolution pour plusieurs raisons. D'abord parce que les stratégies pharmacologiques sont intéressantes. Il y a longtemps qu'on les développe avec des médicaments qui approchent les résultats primaires du Baclofène, mais cela ne peut pas concerner tout le monde. Ce peut vous paraître curieux, mais il y a des sujets qui sont des grands alcoolo-dépendants et qui n'ont pas envie de boire. Ils boivent sans envie, du coup la cible pharmacologique ne fonctionne pas bien. Et puis pour conclure : ces traitements sont grosso modo efficaces (traitements de pharmacologie, d'alcoolique anonyme, séjours thérapeutiques, psychothérapies) c'est-à-dire qu'il y a une efficacité globale qui montre que lorsque l'on s'occupe d'un patient alcoolo-dépendant au bout d'un an, il y en a un tiers qui est abstinent, un tiers qui ne va pas bien, et puis il y a un tiers intermédiaire qui va franchement mieux. Donc il y a deux tiers des patients qui vont mieux".
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